oeuvres d'art


Images de Croisade
 au cœur de la place Garibaldi
Une lecture des œuvres d’art de la Société du Saint-Sépulcre

par Sébastien RICHARD*

(article publié dans la revue Nice-Historique, n°1-2, Nice, janv-juin 2013)


Miroir monumental où  la vieille ville toute entière se projette face à la voie qui reliait Nice à sa capitale. La façade de la chapelle des pénitents bleus est un chemin qui dirige vers le ciel le regard de celui qui entrait dans la ville par la route royale. Ses colonnes, son fronton évoquent un temple antique, un monument urbain placé où meurt la sente qui unit Nice à ses montagnes, un reliquaire qui sacralise le vestibule de la cité toute entière. La chapelle du Saint-Sépulcre de Nice n’est pas un jalon incontournable dans l’histoire de l’art et de l’architecture, elle n’est même pas une inévitable étape pour le visiteur qui découvre cette ville, pourtant tout Niçois décèle dans ce bâtiment une force qui l’enracine dans l’histoire de sa cité et l’identité de son territoire. Ici les formes donnent corps à des idées. L’église du Saint-Sépulcre et la place qui s’étend devant elle forment un espace où le discours monumental décrit des revendications civiques étayées par l’histoire[1], mais elle est aussi un tableau qui appuie le récit séculaire des gestes et des idéaux d’une confrérie. Cette mythologie participe à la constitution d’une mémoire, à l’émergence et à l’entretien de valeurs qui constituent un prisme à travers lequel toute une cité observe sa propre histoire.
La chapelle du Saint-Sépulcre appartient, depuis sa fondation en 1782[2], à l’Archiconfrérie des Pénitents Bleus de Nice[3]. Au regard de sa conception, elle occupe une place particulière au sein de l’ensemble des chapelles des confréries niçoises[4]. Elle est la seule qui a été érigée par la confrérie qui la possède encore aujourd’hui dans un espace urbain en pleine transformation, et qui avait fonction de chapelle municipale et de tribune royale[5]. La place et le lieu de culte sont ici fortement imbriqués pour donner, dans la profondeur historique du récit des gloires de la cité, toute sa force à la liturgie monarchique[6]. Dans ce cadre la confrérie forme une  custodie civique cultivant et réactivant l’historicité du lieu.

La fondation de la Société du Saint-Sépulcre et l’idéal de la croisade
Une chapelle de confrérie qui a été conçue et réalisée comme telle, au-delà des impératifs liturgiques, architecturaux et urbanistiques, est aussi l’expression monumentale d’une communauté qui se raconte. Et les pénitents bleus expriment ce qu’ils sont (ou entendent être) dans la relecture de leur histoire pluriséculaire à travers laquelle ils cherchent sens et idéal. La « Société du Saint Sépulcre » a été fondée à Nice il y 580 ans[7]. Ce groupe de fidèles est davantage connu sous d’autres titres : « Confrérie des pénitents bleus », « Vénérable Archiconfrérie de l’Assomption et du Saint-Sépulcre », ou encore «Vénérable Confraternité du Saint-Sépulcre » qui est l’appellation la plus courante dans les actes jusqu’en 1860. Pour autant, depuis sa fondation, le vocable « Société du Saint Sépulcre » jouit d’un prestige tout particulier au sein de ce groupe. C’est ce titre qui apparait dans les documents officiels, dans la correspondance avec les souverains ou les écrits du Saint-Siège, c’est lui aussi qui est inscrit sur la bannière de la confrérie et surtout au fronton de la chapelle sur la place Garibaldi. L’intensité particulière de cette titulature tient tout d’abord à un élément de chronologie : l’acte de naissance de la Société du Saint Sépulcre serait le serment prononcé le 4 février 1431 par dix Niçois issus de quelques-unes des plus nobles familles du Comté[8]. Ce serment prévoyait que les membres de la nouvelle société mettraient en commun leurs forces pour hâter la fondation d’un couvent de Franciscains de l’Observance à Nice et pour soutenir l’œuvre de la Custodie de Terre Sainte[9], émanation de l’ordre Franciscain qui a reçu la charge de garder les lieux saints du christianisme en Orient depuis 1342. De fait à l’origine la Société du Saint-Sépulcre n’est pas une confrérie de pénitents mais une fraternité chevaleresque[10]. Il semble que ce n’est que lorsque le couvent des Franciscains de l’Observance est enfin fondé, après 1461, que cette société adopte la forme d’une confrérie de pénitents attachée au couvent de la Sainte-Croix, sans que la date de cette transformation statutaire ne soit précisément connue[11].
Cette fondation s’ancre dans le phénomène de multiplication des confréries au cours du Moyen Age et, plus particulièrement, dans un double mouvement de créations liées aux ordres mendiants et à l’exaltation de la croisade et de la Terre-Sainte. Certaines de ces fondations particulières ont été largement étudiées, en terre espagnole par exemple des confréries chevaleresques avaient été mises directement au service de la croisade, il s’agissait de véritables milices en armes comme celle de Belchite fondée en 1122 ou celle de Monreal fondée en 1124[12]. On peut mentionner aussi la création à Paris, en 1325,  d’une confrérie rassemblant des pèlerins qui rentrent de Terre-Sainte et des chevaliers adoubés à Jérusalem, qui prend le nom de « confrérie royale du Saint-Sépulcre »[13]. La Société du Saint-Sépulcre est donc, pour le comté de Nice, le seul exemple de société chevaleresque pérennisée en adoptant la forme d’une confrérie de pénitents.
Le vocable « Société du Saint Sépulcre », inscrit sur l’entablement sous le fronton de la chapelle de la place Garibaldi, renvoie donc aux origines de la confrérie niçoise, il est le nom qu’elle s’est donné au jour de sa naissance et qui la rattache à un vaste mouvement médiéval qui tourne le regard de l’Europe vers l’Orient : l’idéal de la croisade[14]. Ce mouvement, avec la chute du Royaume de Jérusalem à la fin du XIIIème siècle, se spiritualise davantage et la notion de croisade évolue. La référence au « Saint-Sépulcre » dans sa titulature même, plonge l’univers mental de la confrérie au cœur de l’idée de croisade. En replaçant la fondation de cette société dans son contexte historique on peut relever de nombreux éléments qui sollicitent encore la piste d’une manifestation qui révèle cette référence. Le faisceau d’indices est large et doit être passé encore davantage au crible de la recherche mais on peut évoquer ici quelques éléments significatifs. Si dans la première moitié du XVème siècle le royaume de Jérusalem n’est plus, les rois de Jérusalem demeurent et c’est précisément dans les années 1430 que les Savoie se lient avec ces derniers par le mariage de Louis de Savoie avec Anne de Lusignan. Cette union est à l’origine de la transmission du titre de « roi de Jérusalem » aux ducs de Savoie à la fin du XVème siècle[15]. L’idée que les ducs de Savoie sont souverains légitime de Jérusalem est prégnante dans l’histoire de la confrérie puisque c’est sous le titre de « SM il Rè di Gerusalemme » qu’ils apparaissent dans les statuts, les tables et les procès-verbaux de la confrérie jusqu’en 1870[16]. D’autre part c’est Anne de Lusignan elle-même qui intervient auprès du pape Jules II en 1459 pour qu’il accepte la fondation du couvent des Franciscains de l’Observance à Nice[17], projet qui engendra la formation de la Société du Saint-Sépulcre.

Le lien à l’ordre franciscain de l’Observance, l’identité chevaleresque, et la valorisation de l’esprit de croisade par l’attachement à la Terre Sainte, sont les trois axes qui constituent la spécificité originelle de la Société du Saint Sépulcre au regard des autres confréries niçoises. Ces références essentielles se prolongent encore de nos jours par d’autres relais. Le préambule des statuts actuels de l’Archiconfrérie, par exemple, rappelle avec force qu’elle « a été fondée à Nice sous l’égide d’un groupe de dix chevaliers marqués par la prédication des Pères Franciscains de l’Observance ». L’article I rappelle quant à lui qu’un des buts de l’archiconfrérie est de constituer une communauté en « renforçant les liens d’amitié, de fraternité, de charité et d’assistance mutuelle entre les Frères et les Sœurs de l’Archiconfrérie ». Les pénitents bleus affirment ainsi qu’ils entendent demeurer une « société »,   un groupe d’égaux ayant les mêmes idéaux, les mêmes codes, les mêmes valeurs. Mais cette référence n’est pas nouvelle, elle prolonge des pratiques anciennes, mentionnons ici cette inscription tirée d’un psaume qui figurait dans la sacristie avec la mention des sept œuvres de Miséricorde et la figuration des armoiries des dix fondateurs au moins jusqu’en 1874 (aujourd’hui recouverte) Accingere gladio tuo super femur tuum, potentissime: speciem tuam et pulchritudine tua intende, prospere procede et regna, propter veritatem et mansuetudinem et justitiam, et deducet te mirabiliter dextera tua[18]. Cette citation biblique est clairement une maxime chevaleresque ! On pourrait relever aussi le statut particulier des descendants des dix premiers confrères qui, d’après les statuts de 1772[19], ne sont pas tenus d’effectuer un noviciat avant leur réception définitive dans la confrérie. Cette conception quelque peu élitiste de la Société du Saint Sépulcre fait dire à un officier de la confrérie, dans un rapport sur l’état matériel de la chapelle au début du XVIII°s, que « la compagnie a perdu de sa renommée » en s’ouvrant de plus en plus largement à des « gens de négoce » et à des groupes qui n’appartiennent pas « aux meilleurs »[20]. L’idée d’une ouverture populaire du recrutement qui serait néfaste à l’identité de la confrérie est encore avancée par un rapport de l’avocat général Gallo à la demande du gouverneur de Nice en 1763[21]. Ces remarques qui impliquent aussi des critiques concernant les mœurs des nouveaux confrères, montrent une transformation sociale de la confrérie qui croit en nombre et où l’aristocratie a de moins en moins de poids. De fait jusqu’à cette époque c’est le recrutement des confrères dans un milieu déterminé qui fondait l’unité de la « Société ». Ensuite la diversification sociale implique la mise en place de rites spécifiques qui doivent fonder l’unité sur des usages communs et non sur le sang ou la classe. La construction de la nouvelle chapelle à la fin du XVIII° siècle, sa structuration architecturale et décorative, son utilisation liturgique seront l’occasion de redéfinir et de renforcer les idéaux fondateurs.

 La chapelle du Saint-Sépulcre, une mise en scène de la croisade
L’univers mental des pénitents bleus de Nice s’est donc construit autour d’un esprit tout à fait particulier où se mêlent idéal chevaleresque et mythe de croisade qui fondent leur perception de l’histoire. L’environnement iconographique qui entoure les confrères du Saint-Sépulcre est une construction mémorielle qui renvoie pour une large part à la Terre-Sainte et à l’idée de croisade. Le thème central du Saint-Sépulcre est principalement représenté par le gisant articulé du maître-autel et par les six tableaux de la première travée qui constitue un cycle des apparitions du Christ après la résurrection. Pourtant dans la chapelle de la place Garibaldi c’est, avec l’Assomption de la Vierge Marie, la référence à la sainte Croix qui est la plus prégnante. Le culte de l’Assomption renvoie à la Madone de Sincaïre, celui de la Sainte-Croix à la titulature du couvent des Franciscains observants de Nice. Mais la Croix est avant tout le but, l’excuse et le moteur de la croisade. La chapelle des pénitents bleus la met en exergue dès l’entrée, le vestibule lui est consacré avec la représentation en médaillon au centre de la voute et la grande peinture murale qui fait face à la porte. Dans la salle cultuelle, à l’étage, un autel lui était dédié[22] et la grande croix qui l’ornait porte les armes de la cité de Nice, marque d’une double identité. On retrouve le thème de l’adoration de la Croix à trois reprises et une des peintures des coupoles attribuées à Emmanuel Costa est dédiée à l’Exaltation de la Sainte-Croix. Les faux reliquaires du maître-autel montrent la Croix avec la citation constantinienne « in hoc signo vinces », et le trésor des pénitents bleus comporte même un reliquaire de la vraie croix. Alors que la confrérie est dédiée au « Saint-Sépulcre » c’est paradoxalement la croix qui domine la décoration monumentale de l’édifice, la référence à l’ancien couvent franciscain n’est pas suffisante pour expliquer cette puissance représentative, il faut y voir la concrétisation d’une idée religieuse forte.
Mais la référence à la croix n’est pas exclusive dans cet espace, le culte de l’Assomption rythme aussi l’ensemble. Ce culte marial est lié au transfert en ce lieu de la chapelle municipale Notre Dame du Sincaïre en 1784, réalisé selon un accord consigné dans un mémoire de 1782 conservé par les Archives Municipales de la Ville de Nice[23]Ce mémoire qui établit les modalités de la transmission de la chapelle aux pénitents bleus par la Ville précise l’origine et la titulature de cet antique édifice : « La presenta città posseda una cappella (…) sulla muraglia antìca quale dalla parte di tramontana cingeva la città ed invicinanza d’una torre cinqui angolare che formava l’angolo di tramontana e levante di detta muraglia, denominata percio essa capella di Sincaire dedicata alla ssma Vergine dell’Assunta per causa di voto»[24]Si on établit un lien entre les deux cultes privilégiés de la chapelle, celui de la Sainte-Croix et celui de l’Assomption, c’est précisément l’idée de croisade qui émerge. Il s’agit donc d’une valorisation du rôle joué par la Société du Saint Sépulcre dans la mise en œuvre de cet idéal. Il faut en effet rappeler que le culte à la madone de Sincaïre tire son origine du siège franco-turc de 1543[25]. Sans relater tout le déroulement de ce Siège largement raconté et étudié par ailleurs, il convient de noter que cette victoire inespérée des Niçois a été relue et reconstruite comme un évènement identitaire fort pour Nice et surtout comme un jalon essentiel dans le déroulement de la croisade qui culmine avec la bataille de Lepante en 1571. Dès la prévision du siège c’est l’esprit de croisade qui sous-tend la préparation de la défense qui est d’ailleurs confiée par le duc de Savoie à Frà Paul Simeono de Balbi prieur de l’Ordre de Malte pour la Lombardie[26]. Face à la menace franco-turque Charles III écrivit aussi aux consuls de Nice pour qu’ils encouragent les Niçois à combattre les « ennemis de la sainte foi »[27]. Si on en croit Gioffredo la titulature même de la chapelle de Sincaïre placée sous le vocable de Notre-Dame de l’Assomption, serait l’évocation directe de la bataille de 1543 puisque le 15 août les Niçois auraient repoussé le plus important assaut porté par les Turcs[28]. La plaque qui commémore le vœu de 1552 et qui a été transférée dans la chapelle de la place Garibaldi évoque la bataille et l’intervention divine dans le camp des Niçois, le texte place aussi le Duc de Savoie en défenseur de la foi chrétienne[29]. La Société du Saint-Sépulcre s’approprie cette construction du mythe fondateur de 1543 pour justifier son mandat civique de gardienne exclusive de la madone du Sincaïre, ainsi une note jointe à un procès-verbal du registre des délibérations de la confrérie à l’occasion de la commande d’une nouvelle bannière en 1935[30] rapporte que celle-ci « est semblable au gonfanon du Duc de Savoie à Gallipoli (…) [car] nos frères dans le passé ont défendu notre terre et la religion en se tenant parmi les derniers défenseurs du château en septembre 1543[31] (…). Le premier prieur a mené les troupes du Duc pour chasser les Français et les Turcs de Saint-Etienne [de Tinée][32] ». Ce document repose vraisemblablement sur une lecture de Gioffredo et il s’insère dans les préparatifs de l’installation solennelle de la statue de Notre-Dame du Sincaïre dans la chapelle du Saint-Sépulcre le 22 décembre 1935[33].  La participation de pénitents bleus à la défense du château n’a pas pu être étayée par des sources anciennes mais le récit de ce fait montre – et c’est ce qui nous intéresse ici – la postérité de l’idée de croisade chez les confrères et la volonté de rattacher le culte de Notre-Dame de Sincaïre à l’histoire des origines de la confrérie. Ainsi dans l’historique de la Madone de Sincaïre, publié par la confrérie des pénitents bleus en 1935, il est rappelé que la confrérie, avant même le transfert de 1782, avait un lien privilégié avec ce sanctuaire commémoratif du siège de 1543 puisque ce sont les pénitents bleus qui, déjà, furent chargés de transférer et de protéger la statue vénérable de la Vierge lors du siège de 1706[34]. La Société du Saint-Sépulcre intègre parfaitement le culte à la Madone de Sincaïre à sa propre histoire en opérant une relecture des évènements.


La Chapelle de la place Garibaldi est donc un monument résolument ancré dans l’idée de croisade et dans sa formulation niçoise qui correspond à la construction mythologique autour du siège de 1543. La constitution de ce récit identitaire passe aussi par l’identification d’images héroïques fortes (Catherine Ségurane[35]). Elle implique aussi l’invention de reliques qui servent de preuve et donnent à l’ensemble du mythe sa profondeur historique. La relique est un élément matériel tangible érigée en objet de mémoire, et la chapelle est un reliquaire qui expose la plaque commémorant le vœu de 1552, qui se trouve à gauche de la porte d’entrée, et trois boulets tirés par les canons turcs en 1543 qui sont placés au sommet de chacune des trois arcades sur lesquelles repose l’édifice[36]. Cette église n’est donc pas seulement un lieu de culte, c’est un discours monumental qui met en valeur la cité en tant qu’acteur de la croisade, comme une citadelle du catholicisme. Elle rehausse aussi la construction du culte monarchique qui s’exprime dans la formulation de la place Victor[37] en relatant un évènement de croisade qui établit la gloire du souverain. Cette mise en scène repose sur l’activation d’un évènement historique qui souligne la fidélité de la cité au duc de Savoie : l’histoire relue par l’architecture de la place est un élément de légitimation monarchique. Là encore la confrérie s’insère parfaitement dans cette construction puisque la fidélité à la Maison de Savoie sera une donnée récurrente de l’histoire de la confrérie au XIX° siècle[38].
Enracinée dans le turbulent XVI° siècle, réaffirmée au moment de la construction de la chapelle au XVIII° siècle puis lors des célébrations du 300ème anniversaire du vœu à la Madone de Sincaïre en 1852[39], et au moment de l’installation solennelle de la statue en 1935, cette construction intellectuelle autour du siège de 1543, basée sur la valorisation de l’esprit de croisade, émaille l’histoire de l’archiconfrérie et vient régulièrement raviver la mémoire des origines de la Société du Saint Sépulcre.
Un tableau qui fonde le mythe de la croisade
Si la Société du Saint Sépulcre s’inscrit avec autant de force dans la formulation « croisée » du mythe de la Madone de Sincaïre c’est que cette confrérie, nous l’avons montré, semblait prédestinée à une telle adoption par son essence propre. On assiste ici à la fusion de deux vecteurs de l’histoire de Nice qui portent la force de l’idéal de croisade. La société chevaleresque des origines, la toute première confrérie des pénitents bleus forgée par ses fondateurs, ne nous est pas accessible par les traces écrites, nous l’avons dit. Pourtant il existe un document de premier ordre qui nous fait rejoindre les cadres mentaux des pénitents bleus de la première génération, une œuvre d’art qui ne se trouve pas dans la chapelle de la place Garibaldi. La Société du Saint-Sépulcre a changé plusieurs fois de lieu de culte au cours de son histoire et elle a essaimé du mobilier, et notamment des tableaux, au cours de ces pérégrinations. Il faut s’attacher ici à l’étude d’une de ces traces, probablement la plus prestigieuse, qui se trouve dans l’église des Franciscains à Cimiez. La Crucifixion de Louis Bréa, qui est aujourd’hui un des tableaux les plus fameux du couvent, était à l’origine le retable de la chapelle des pénitents bleus dans l’église Sainte-Croix des Franciscains de l’Observance[40].  Il a été commandé à Louis Bréa par Honoré Grimaldi de Beuil, prieur de la confrérie des pénitents bleus et descendant du fondateur de la Société du Saint-Sépulcre[41]. Cette œuvre montre la permanence des idéaux qui présidèrent à sa fondation alors que la société est devenue confrérie de pénitents attachée aux Franciscains de Nice.

Ce tableau représente Jésus suspendu à la croix. Autour du Christ, sur le panneau central, neuf personnages animent la scène. Dans les écoinçons, deux autres personnages avec des phylactères. Six saints scandent les bandes latérales. La prédelle représente quatre scènes de la Passion autour d’un Christ de pitié surgissant du tombeau. Sans développer la description de ces personnages et du style pictural étudiés par ailleurs[42], il convient d’insister sur les liens qu’entretient cette œuvre avec l’identité et la spiritualité de la confrérie pour laquelle elle a été réalisée.
Au centre de la prédelle la représentation du Christ de pitié est un résumé iconographique de la titulature et de l’esprit pénitentiel de la Société du Saint-Sépulcre : le Seigneur et les instruments de la Passion placés entre la croix et le tombeau. Ce modèle iconographique du Christ de Pitié est résolument ancré dans la spiritualité du XVème siècle, il constitue une image identifiante pour les pénitents bleus. On trouve une composition identique, sculptée et non peinte, à gauche de la porte d’entrée de la chapelle sur la place Garibaldi sous la forme d’une aumônière en marbre qui servait à recueillir des offrandes pour la custodie de Terre-Sainte. Cette association croix-tombeau est aussi présente sur les anciens sceaux de la confrérie[43] et au sommet du banc des prieurs dans la salle cultuelle. D’après Germaine Leclerc, c’est cette composition centrale qui donne du sens à toutes les représentations de la Passion sur le retable de Cimiez, qui permet de percevoir « la densité de leur signification »[44]. En fait cette image est mise en exergue car elle ne s’insère pas dans l’ordre des représentations narratives qui ornent la prédelle et le panneau central. Elle concentre toute la profondeur dramatique du récit en regroupant les objets utilisés à chaque étape de la tragédie du vendredi saint et elle les offre à la vénération des confrères comme les instruments du Salut. Cette image, comme la crucifixion elle-même, attire, illustre et donne sens aux phylactères où sont inscrites les paroles prononcées par le roi David et le prophète Isaïe (« ils ont percé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os »[45] et « vraiment c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé »[46]), que les confrères chantent dans l’office du vendredi saint.
Le panneau central est construit autour de l’axe de la Croix. La répartition des deux groupes de personnages de part et d’autre permet une échappée visuelle qui met en valeur la cité de Jérusalem qui s’étale au centre de la composition derrière le Christ. Au flanc de la ville sainte le temple est mis en exergue mais il est représenté par un bâtiment à plan centré surmonté d’une coupole, formalisant un canon iconographique pour la représentation de la basilique du Saint-Sépulcre au Moyen-Age[47]. C’est donc l’église qui abrite le tombeau du Christ qui apparait sur ce tableau, non le Temple de Jérusalem. Dans ce panneau central deux personnages n’ont pas leur place dans les récits évangéliques de la crucifixion, saint Jérôme et saint François. L’évocation du père de l’Eglise vêtu en pénitent et se frappant la poitrine avec une pierre est un appel à l’imitation pour les membres de la confrérie qui doivent méditer les pénitences que s’infligea le saint à la suite d’une vision dans laquelle le Christ lui-même le fit flageller pour qu’il implore sa pitié[48]. A cause de cette référence à la flagellation pénitentielle imposée par Jésus lui-même, saint Jérôme est le patron de nombreuses confréries de pénitents. Face à lui, de l’autre côté de la croix, Saint François d’Assise contemple le Christ et montre ses stigmates en élevant les mains, il rappelle que la Société du Saint-Sépulcre appartient à la famille franciscaine. Ces deux personnages ancrent donc le retable dans le groupe pour lequel il fût réalisé : une confrérie franciscaine.
De la même façon les saints représentés sur les bandes latérales, selon la forme médiévale, sont autant de modèles hagiographiques renforçant le discours spirituel de la confrérie. Saint Antoine de Padoue[49], saint Louis de Toulouse et saint Bonaventure[50] renforcent l’attachement franciscain. Bonaventure, en particulier, étant considéré par les confréries franciscaines comme l’inspirateur du mouvement pénitentiel puisqu’il a encouragé la création du tiers-ordre de saint François[51]. Sainte Hélène est présente pour son lien à la sainte Croix dont nous avons rappelé l’importance pour la Société du Saint-Sépulcre, et sainte Catherine est un modèle de mépris du monde vénéré dans de nombreuses confréries. Enfin saint Honorat est le patron du prieur de la confrérie et donateur du retable. Ce groupe de saints, pris dans son ensemble, atteste que ce tableau est une œuvre réalisée pour une confrérie.
Puisque ce retable est attaché de façon évidente à l’esprit de la confrérie du Saint-Sépulcre, il reste à nous pencher à notre tour sur les deux personnages qui se trouvent à droite du panneau central. Ils occupent une place importante dans la composition alors que ce ne sont pas des saints, et cette présence a suscité de nombreuses interprétations depuis la figuration du donateur jusqu’à celle du peintre lui-même[52]. La particularité de la représentation réside dans le face-à-face de ces personnages qui semble figurer une mise en valeur de leur opposition. Le personnage de dos est le centurion de l’Evangile, il est d’ailleurs déjà présent dans un des tableaux de la prédelle où il assiste au couronnement d’épines du Christ. Il est alors témoin de la manifestation de la royauté du Christ - qui est assis sur un trône et couronné - et il le reconnaît comme sauveur dans le tableau central, la continuité narrative est évidente. Le centurion qui porte l’épée au côté personnifie évidemment la classe chevaleresque de ce début de XVIème siècle qui reconnaît en Jésus le « Fils de Dieu », comme une représentation de la profession de foi de cette classe sociale qui forme la Société du Saint-Sépulcre et qui use de l’institution religieuse pour manifester sa puissance. L’autre personnage est le juif qui, lui, tourne le dos au Christ et s’en éloigne, attitude conforme au message théologique du transfert de l’Alliance des Juifs aux Gentils. Il s’agit d’un modèle iconographique répandu et facilement identifiable. Mais cette représentation n’est peut-être pas seulement une mise en cause du peuple de l’ancienne Alliance, en regardant avec plus d’attention le costume du « juif » on constate que la coiffure correspond à un turban turc conforme à la représentation que s’en font les Européens au XVI° siècle[53]. Un Juif ou un Turc ? L’ambiguïté semble volontaire et permet d’étendre, dans le langage iconique, la malédiction qui pèse sur le « peuple perfide » aux infidèles ennemis de la foi chrétienne, les Turcs, qui se sont installés à Constantinople et sont en passe de supplanter les Mamelouks pour la domination de la Terre-Sainte. Le face-à-face des deux personnages à gauche de la composition de Bréa prend dès lors une nouvelle dimension, celle de l’opposition entre les chevaliers chrétiens et les Turcs, image même de la croisade.
La croix comme point de mire, Jérusalem comme but, le chevalier chrétien comme modèle, cette œuvre semble être un programme de croisade destiné à une société de fidèles qui porte ainsi une réflexion iconographique sur  son identité. Représentation de soi pour soi et pour autrui, formulation d’un être idéal que les membres de la Société du Saint Sépulcre entendent assumer et qui marque toute leur histoire.
Alors sur cette œuvre il n’y a certes pas de représentation directe de pénitents encagoulés et agenouillés, mais tout membre de la Société du Saint-Sépulcre est invité à contempler Jérusalem et la Croix, le Christ de Pitié et la Mère du Sauveur, St François et St Jérôme les patrons de la confrérie, et il est aussi porté à s’identifier au centurion qui fait face à l’infidèle avec bravoure pour la défense du Christ et de son héritage. Ce retable apparaît comme un jalon essentiel de la construction identitaire de la Société du Saint-Sépulcre car il est une source à la fois précoce et riche d’informations et d’enseignements. Attachée à l’idéal de la croisade et à tous ses prolongements, la Société du Saint Sépulcre a adopté le culte à la madone du Sincaïre et l’évènement fondateur de 1543. Elle les a intégrés à sa propre histoire et utilisés comme des éléments révélateurs de sa propre identité. Ces références ont accompagné chaque étape de la transformation de la confrérie. Dans la référence à l’idéal de la croisade, les confrères ont toujours retenu les valeurs adéquates pour leur temps et commémoré les gestes qui permettent de valoriser leur groupe. Les images et les lieux de cultes successifs de la confrérie sont donc la toile où s’opère une reconstruction historique continue depuis cinq-cents ans.
Du retable de Bréa dans le couvent de Cimiez à la façade de la chapelle du Saint-Sépulcre sur la place Garibaldi, c’est un même idéal qui formule l’univers iconographique et monumental de la confrérie des pénitents bleus de Nice. Les monuments et les images, c’est-à-dire l’art qui inonde le quotidien, constituent un miroir où chacun observe son image reformulée à la lumière des idéaux induits. Pourtant en construisant sa propre histoire, la Société du Saint Sépulcre a participé à la formulation de l’identité de toute la cité, édifiant et entretenant un mythe de la croisade qui baigne encore largement la conception que Nice a d’elle-même quand elle observe l’épaisseur temporelle qui l’a forgée.

*docteur en histoire du Moyen Age,
chargé de cours en histoire de l’Art à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis




[1] Cf. J-B. PISANO, « Le pouvoir dans l’espace. Les représentations de l’identité révolutionnaire à Nice », in. Cahiers de la Méditerranée, n°66, Nice, 2003.
Cf. S. RICHARD, « La chapelle du Saint-Sépulcre de Nice, l'ambigüité entre un espace civique et un édifice religieux », in. Nice-Historique, n°1Nice, janvier-mars 2004, p. 43-57.
[2] La chapelle est érigée selon les plans de l’architecte Antonio Spinelli en même temps que la place avec laquelle elle fait corps. Cf. L. THEVENON, Édifices religieux et développement urbain à Nice, du Moyen Âge à l’Empire, Université de Nice, Thèse, 1984.  Cf. E. SCOFFIER et F. BLANCHI, Le Consiglio d Ornato. L'essor de Nice 1832-1860, Serre, Nice, 1998.
[3] Confisquée durant la période révolutionnaire la chapelle est restituée à la confrérie, amputée de certaines annexes, au moment de la Restauration Sarde.
[4] La chapelle des Noirs, joyau de l’art Baroque, n’est qu’un bâtiment de réemploi fondé pour les Théatins au XVIII° siècle et récupéré par la confrérie de la Miséricorde en 1828. La chapelle de la Sainte-Croix est fondée pour la confrérie par Antonio Spinelli sur l’emplacement de l’ancien couvent des Minimes, mais les Pénitents Blancs avaient acquis ces terrains dans l’espoir d’y édifier aussi un hôpital qui ne fut pas réalisé. Quant aux Pénitents Rouges, leur chapelle actuelle était celle de la confrérie des Pénitents Blancs du Saint-Suaire rebâtie en 1827 pour abriter la nouvelle confrérie des Pénitents Rouges née de la fusion des confréries du Saint-Suaire, de la Sainte-Trinité et du Saint-Nom-de-Jésus au début du XIX° siècle.
[5] Cf. S. RICHARD, « La chapelle du Saint-Sépulcre de Nice… » op. cit., L. THEVENON, Édifices religieux…op. cit., et J-B. PISANO, « Le pouvoir dans l’espace… » op. cit.
[6] Pour l’utilisation des places dans la mise en œuvre du culte monarchique voir J. L. HAROUEL, L'embellissement des villes, l'urbanisme français au XVIIIe siècle, Paris, 1993.
[7]Les sources écrites qui relatent la fondation sont tardives, pour autant la mention de la date de février 1431 et le vocable Societas sanctissimi Sepulcri sont plusieurs fois cités dans les actes au cours du XVI° s. Les sources mettent en exergue l’acte fondateur et le retracent à des moments où la société a besoin de se re-fonder. Par exemple il est tout à fait éclairant de montrer que le récit le plus complet qui concerne la fondation de la Société du St Sépulcre apparait dans les actes de la confrérie en 1764 (Archives privées de la SSS, non-classé, délibération du conseil, 2 juillet 1764) c'est-à-dire juste après que les pénitents bleus ont perdu la gestion de l’hospice des pauvres orphelines. Cf. S. RICHARD et J-S. FIORUCCI, « L’évolution des œuvres sociales de la Confrérie du Saint-Sépulcre de Nice (XIXè-XXè s.) » in. Bulletin du Comité d’histoire de la Sécurité sociale de la Région PACA n°6, Marseille, deuxième semestre 2001.
[8] Il n’existe, à notre connaissance, aucune source directe concernant cette fondation. La date et le récit de la fondation sont d’abord transmis oralement puis mis pas écrit dès la fin du XVI°s. Cet acte de fondation est rappelé, réactivé, à diverses reprises au cours de l’histoire de la confrérie dans les documents les plus divers qui en font un récit plus ou moins complet. Nous ne retenons ici que les éléments récurrents.
[9] On note que l’un des membres de la Société du Saint-Sépulcre est à l’origine de la fondation d’une société similaire à Sospel ayant les mêmes buts et la même forme. Cette érection d’une confrérie-fille à Sospel qui est paradoxalement mieux documentée que celle de Nice souligne, par un jeu de reflet, sinon la véracité au moins la pertinence du récit niçois rapporté par la tradition de la Société du Saint-Sépulcre. Ainsi on retrouve les trois éléments fondamentaux du « mythe » : l’origine chevaleresque de l’entreprise personnifiée par les d’Alberti, le lien aux Franciscains de l’Observance dans la volonté d’implanter un couvent à Sospel, et l’implication dans l’œuvre de Terre Sainte dessinée par le pèlerinage au Saint-Sépulcre du fondateur. Cf. L. THEVENON, « les arts dans le pays sospellois », in. Nice-Historique, n°3, Nice, 1999, p. 173-174.
[10] Il est évident que cette société avait, outre les motivations religieuses, des ambitions politiques puisqu’elle a été fondée sous l’égide de Jean Grimaldi de Beuil, grand sénéchal de Provence puis gouverneur de Nice, artisan de la Dédition de 1388 à un moment où les Savoie, nouveaux maîtres de Nice, tentent de minimiser l’influence des Grimaldi dans le comté. La fondation de la Société du Saint-Sépulcre sert le renforcement du pouvoir de la famille Grimaldi alors qu’elle est mise à l’écart du pouvoir municipal de Nice par le duc de Savoie et que ce conflit est un élément prégnant dans la vie politique niçoise. En s’entourant des rejetons de quelques-unes des familles puissantes du Comté pour mener cette entreprise, Jean Grimaldi de Beuil manifeste publiquement les liens et la solidarité qui unissent ces personnages qui représentent l’aristocratie locale. D’autre part la Société du Saint-Sépulcre sert la famille Grimaldi à un moment où elle établit une véritable principauté centrée sur Beuil, et où se met en place la règle de transmission de ses fiefs et de ses titres par primogéniture, la fonction de prieur de la confrérie étant elle aussi dévolue au chef de la famille Grimaldi de Beuil. (Cf. L. RIPART, « Famille Grimaldi de Beuil », in. R. SCHOR (dir.), Dictionnaire historique et biographique du Comté de Nice, Nice, Serre, 2002, p. 179. E. HILDESHEIMER, « Les Grimaldi, seigneurs de Beuil », in. Nice-Historique n°4, 1994 )
[11] Notons ici que de nombreuses études affirment que la confrérie des pénitents bleus a été fondée par les Franciscains de l’Observance dans leur couvent de Nice. Cette idée repose sur les travaux du chanoine Giaume : « ces temps lointains nous semblent calmes et comme endormis ils étaient, au contraire, très agités. Et, tout particulièrement, l’époque qui vit naître, dans notre couvent de St-François, la Confrérie du Saint-Sépulcre.(…) Et c’est parce que l’horizon était sombre de tous côtés, que les fils de St-François conseillèrent à des Niçois, venus leur demander aide et conseil, de former une confrérie du Saint-Sépulcre »(in. T. GIAUME, Confrérie du Saint-Sépulcre, chapelle des pénitents bleus, Nice, 1955, p.8). Partant de cette affirmation des historiens ont contesté la validité de la fondation en date du 4 février 1431, haranguant que la couvent ne fut fondé qu’en 1461. Or, en relisant les notes et l’ouvrage du chanoine Giaume sur les pénitents bleus, il apparait qu’il ne forme jamais de confusion entre la date de fondation de la Société du St Sépulcre et l’érection de la confrérie des pénitents bleus dans le couvent franciscain, les deux évènements étant bel et bien distincts. D’abord une confrérie (ou société) chevaleresque (il parle d’un groupe de Niçois qui appartient à la classe des meliores) qui n’est formée en confrérie de pénitents que lorsque le couvent est achevé 30 ans plus tard.
[12] Cf. A DEMURGER, Chevaliers du Christ : Les Ordres religieux-militaires au Moyen Âge, XIe-XVIème siècle, Paris, 2002.
[13] Cf. A. DAMIEN‎, Memento du chevalier de l’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, Versailles, 2003. ‎
[14] Cf. A. DUPRONT, Du Sacré. Croisades et pèlerinages. Images et langages, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 1987.
[15] Charlotte de Lusignan (1444-1487), reine de Jérusalem, est évincée par son demi-frère Jacques II (1439-1473) qui prend possession de Chypre en 1460. Mais Charlotte de Lusignan cède tous ses droits à son neveu Charles I de Savoie en 1485 alors que la République de Venise pousse l’épouse de Jacques II à abdiquer pour prendre le pouvoir à Chypre.
[16] La dernière mention du « re di Gerusalemme » figure dans les statuts de 1870 (10 ans après l’Annexion !). Statuti della venerabile compania del Ssmo Sepolcro 1870, archives privées de la Société du Saint-Sépulcre. Non classé.
[17] Cf. P. GIOFFREDO, Nicaea civitas sacris monumentis illustrata, Torino, 1658. p. 195
[18] L’inscription peinte a été restaurée en 1874, les archives de la confrérie conservent une facture de ce travail.
[19] Statuti della compania del santissimo sepolcro, 1772, archives privées de la Société du Saint Sépulcre, non classé. Ces statuts semblent n’avoir été qu’un projet lié à la restructuration des œuvres de la confrérie car aucune mention ne montre qu’ils ont été validés par les autorités civiles ou ecclésiastiques. En revanche on sait que la Société du Saint Sépulcre a été privée de la gestion de l’Hospice des pauvres orphelines en 1763 (ADAM HD1/45 ordonnance royale du 4 mars 1763), et quelle fonde l’Hospice des catéchumènes et néophytes en 1774 (ADAM, NI MATIERES ECCLESIASTIQUES MAZZO 001-6. Erection de l'hospice des catéchumènes et des néophytes par la Confrérie du Très Saint Sépulcre de Nice, 1774). Ces statuts qui mentionnent déjà une « œuvre des catéchumènes » semblent donc avoir été une étape dans la reformulation caritative du groupe.
[20] Inventaire de la chapelle de la compagnie des pénitents bleus. 20 mai 1728. Archives privées de la Société du Saint-Sépulcre. Non classé.
[21] ADAM, NI MATIERES ECCLESIASTIQUES MAZZO 001-3. Avis de l'avocat général Gallo sur la proposition de suppression de l'oeuvre des orphelines de la ville de Nice et de son rattachement à l'hôpital de Charité, 27 février 1763.
[22] Il s’agit de l’autel occidental de la chapelle mais son mobilier a été éparpillé dans l’ensemble du bâtiment pour pouvoir y installer une statue de Notre-Dame de l’Assomption.
[23] AMVN GG 5.14, Mémoire de 1782 portant les modalités du transfert de la chapelle Notre Dame du Sincaïre sur la nouvelle place Victor et sa prise en charge par la Société du Saint-Sépulcre.
[24] « La dite cité possède une chapelle (…) sur l’ancienne muraille qui encerclait la ville sur sa partie septentrionale, proche d’une tour à cinq côtés qui formait l’angle nord-est de la dite muraille, dénommée pour cela chapelle du Sincaïre et dédiée à la Très Sainte Vierge de l’Assomption à la suite d’un vœu », AMVN GG 5.14, Mémoire de 1782 f°1 et 2.
[25] Cf. D. GHIRALDI, « Le monastère de St Martin St Augustin » in. Recherches Régionales  n° 174, octobre-novembre 2004, p. 61 à 84.
Cf. J. RANCE-BOURREY, «Notes sur la chapelle de Sincaire», in. Nice Historique 1906, p.102 à 107.
[26] L. IMBERT, « Lettres inédites de Charles III, duc de Savoie et d’Emmanuel-Philibert, prince de Piémont concernant les affaires de Nice 1540-1544», in. Nice Historique - n° 5, septembre-octobre 1932, p. 165-186.
[27] L. IMBERT, « Lettres inédites de Charles III, duc de Savoie... », op. cit.
[28] Cf. P. CANESTRIER, « Les sièges militaires de Nice. Le siège de 1543 », in. Nice-Historique, 1931, p. 89 à 91. Cf. P. GIOFFREDO, Storia delle Alpi Maritime, Torino, 1839,  p. 340-341. « Les Niçois n’oublièrent pas  l’immense grâce
dont ils avaient bénéficié (…) Ils décidèrent donc de construire une chapelle sur le lieu même où s’était produit le terrible assaut du 15 août qui fut le plus dur et le plus périlleux de la part des ennemis. »
[29] «Grâce aux pieuses prières de Marie Mère sans tâche, les ennemis furent repoussés courageusement (…) En l’an 1552,  Le duc Charles
Emmanuel, invincible régnant, à la religion et à la victoire. » traduction de la dédicace donnée par D. GHIRALDI, in. « Le monastère de St Martin St Augustin », op. cit. p. 78.
[30] Archives privées de la Société du St Sépulcre. Registre des délibérations, 10 mai 1935, non-classé.
[31] Cet épisode semble faire référence à la résistance du château de Nice après la capitulation des consuls du 22 août 1543. Une poignée de Niçois renforcèrent la garnison du château qui résista jusqu’à l’arrivée des troupes ducales le 8 septembre. Cf. GIOFFREDO, Storia delle Alpi Maritime, Torino, 1839.
[32] En janvier 1598 le comte de Beuil déloge les troupes françaises de Saint-Etienne-de-Tinée d’où elles menaient des razzias dans le comté (Cf. P. GIOFFREDO, Storia delle Alpi Maritime, op. cit.)
[33] Cette cérémonie a été inspirée par le chapelain de la confrérie, le chanoine Théodore Giaume, et réalisée sous le priorat de M. Etienne Martin. Les archives diocésaines gardent trace de cette célébration par un document rappelant l’orgine du culte à la Madone de Sincaïre imprimé aux frais de la confrérie et distibué aux fidèles le jour de l’installation solennelle (Archives du diocèse de Nice, série SC, doc 2K18).
[34] « la chapelle fut érigée (…) la Sainte Mère de Dieu y fût vénérée sous la forme d’une statue médiévale (…). En 1706, lors du siège de Nice par les armées du Maréchal Catinat, cette cathédrale [l’ancienne cathédrale Notre Dame du château] fût détruite, de même que la chapelle de Sincaïre, et la statue de la Sainte Vierge fût transférée en la chapelle du Saint-Sépulcre, sous l’égide de la confrérie des pénitents bleus » (Archives du diocèse de Nice, série SC, doc 2K18)
[35] Cf. P. CANESTRIER, « Les sièges militaires de Nice. Le siège de 1543 », in. Nice-Historique, 1931, p. 89 à 91.
[36] Au moment du transfert de ND du Sincaïre ces éléments font l’objet de toutes les attentions de la part des édiles municipales qui veillent scrupuleusement à leur transposition sur la nouvelle place (Cf. AMVN GG 5.14, Mémoire de 1782).
[37] Cf. J-B. PISANO, « Le pouvoir dans l’espace. Les représentations de l’identité révolutionnaire à Nice », in. Cahiers de la Méditerranée, n°66, Nice, 2003.
[38] Les exemples seraient nombreux depuis l’édification du balcon royal sur la façade jusqu’à l’opposition farouche à l’annexion de 1860, en passant par le maintien des symboles de l’ancien régime dans l’espace de la chapelle au-delà de cette date, mentionnons seulement ce fait révélateur : en 1870 les nouveaux statuts de la Société du St Sépulcre sont rédigés en italien, et ils stipulent que chaque année la confrérie doit faire dire des messes pour « Sa Majesté le roi de Jérusalem » (le duc de Savoie) et sa famille à des dates bien précises qui correspondent à des jours solennels pour la monarchie savoisienne, et que chaque confrère doit y assister. Statuti della venerabile compania del Ssmo Sepolcro 1870, archives privées de la Société du Saint-Sépulcre. Non classé.
[39] Le 300ème anniversaire du vœu de 1552 a été l’occasion de grandes festivités qui ont eu pour but de manifester l’attachement de Nice à la monarchie.
[40] Car en effet cette œuvre a bien été réalisée pour la chapelle des pénitents bleus qui se trouvait dans l’église des Franciscains de l’Observance et non pour les Franciscains eux-mêmes selon l’idée erronée souvent avancée à la suite des travaux de Léon-Honoré Labande. La mise au point a été faite encore récemment par Luc Thevenon (Cf. L. THEVENON, La Brigue et ses hameaux, Serre Editeur, Nice, 2011).
[41] Alors que ce tableau est parfois placé au rang de ceux dont on ne connait pas le commanditaire, nous considérons comme évidente l’attribution de la commande à Honoré Grimaldi à cause de trois indices concordants. D’abord la présence des armoiries des Grimaldi de Beuil qui manifestent l’appartenance du commanditaire à cette famille, de plus ces armoiries sont timbrées et, en 1512, le comte de Beuil est bien Honoré Grimaldi, ajoutons à cela la représentation de son saint patron, Honorat de Lérins, dans la bande latérale gauche du retable.
[42] Cf. DEBIDOUR, trésors cachés du Pays Niçois, Paris, 1961. M. BABY-PABION, Ludovic Brea et la peinture primitive niçoise, Nice, Serre, 1991.
[43] Le sceau a été dérobé il y a une dizaine d’années mais le registre des délibérations de la confrérie en conserve de nombreuses traces.
[44] G. et P. LECLERC, Louis Bréa, un poème de l’unité, Paris, ed. Mame, 1992, p. 121.
[45] Ps 21, 17-18. « Foderunt manus meas et pedes meos dinumeraverunt omnia ossa mea ».
[46] Is 53, 4. « Vere langores nostros ipse pertulit et Dolores nostros portavit / Esaias propheta »
[47] Pour le XV° siècle on peut évoquer un manuscrit enluminé conservé à la Bnf du Livre des Merveilles de Marco Polo (Bibliothèque nationale de France, Département des Manuscrits, Français 2810) qui  porte au f° 159r  une représentation du Saint-Sépulcre selon les mêmes formes. Ce modèle persiste jusqu’à la circulation d’images plus réalistes qui continuent cependant de mettre en exergue les coupoles du sanctuaire, on peut ainsi citer la représentation réaliste de Bernhard von Breydenbach dans l’ouvrage sanctae peregrinationes de 1486.
[48] Le récit de cette vision se trouve dans la légende dorée de Jacques de Voragine.
[49] Les pénitents bleus entretiennent le culte de saint Antoine de Padoue au sein de la cité de Nice, cette charge qu’ils considéraient comme une exclusivité à cause de leur filiation franciscaine leur coûta un conflit ouvert avec la confrérie des pénitents blancs en 1822. ADAM 02G 0209 (1822), rapport du curé de St Martin sur les prétentions respectives des confréries du St Sépulcre et de la Ste Croix relativement au port de la statue de saint Antoine dans la procession de la fête de ce saint.
[50] On note que dans l’ouvrage de M. BABY-PABION (op. cit.) ces deux saints ne sont pas identifiés : « à droite (…) un évêque franciscain (…) à gauche (…) un prélat franciscain » p. 77.  Pourtant la chape fleurdelisée du personnage de droite permet de l’identifier à St Louis de Toulouse et le chapeau cardinalice de celui de gauche permet de proposer fermement la figure franciscaine de St Bonaventure.
[51] Cf. H. BARELLI, Vieux Nice, guide historique et architectural, ed. Serre, Nice 1997, p. 46.
[52] Ces interprétations fantasques avaient déjà été mises en causes par Pierre et Germaine Leclerc qui restauraient la juste interprétation : « Comment retenir une interprétation tenace qui fait d’eux les donateurs et ne pas s’étonner plus encore de l’opinion selon laquelle l’artiste se serait représenté dans le personnage qui nous tourne le dos ? (…) L’artiste ne laisse d’ailleurs subsister aucun doute sur l’identité de ce personnage : c’est l’officier romain (…). Le second porte le turban oriental, la barbe en pointe propre aux juifs dans la peinture du temps. » G. et P. LECLERC, Louis Bréa, un poème de l’unité… (op. cit.), p. 154. Il n’est, pour se convaincre de cette juste identification, que de comparer ce tableau à des crucifixions contemporaines comme celle de la chapelle Notre-Dame des Fontaines à La Brigue, sur cette peinture à la gauche de la croix figure le centurion sur un cheval qui pointe la croix tandis qu’un phylactère porte l’inscription « vere filius dei erat iste ». Tout en prononçant cet acte de foi le centurion tourne son visage vers un autre personnage à cheval, qui porte une barbe taillée en pointe et la tenue des prêtres juifs qui apparaissent dans de nombreuses autres scènes du cycle. L’opposition entre le centurion et le juif au pied de la croix est pourtant un thème récurrent dans l’art de cette époque, il symbolise le transfert de l’héritage de l’Alliance du peuple juif, qui ne reconnaît pas le Christ, aux Gentils qui épousent la foi chrétienne.
[53] Voir notamment la planche représentant les costumes des dignitaires turcs in. A. BRUYN, Omnium pene gentium imagines, Anvers, 1581.

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